Crédit photo: Elizaveta Dushechkina sur Unsplash
L’épisode 1 semble raconter une dynamique qui avance avec chaque itération vers la perte du lien conjugal. Jean-Marc paraît croire que tout est fini et qu’il n’y a plus d’intérêt à continuer le mariage. Seul dans la chambre, il a peut-être réfléchi à la séparation depuis un bon bout de temps et peu à peu commence à accepter la perte de cette relation. Il se dit prêt à négocier le divorce. La médiatrice doit prendre une décision rapide car la colère menace de prendre le dessus. Elle se rappelle ces parents pour lesquels négocier était assez facile et qui ne semblaient pas s’en vouloir. Quand ils sont venus en médiation, ils mettaient déjà en place un hébergement alterné. Malgré quelques difficultés, après seulement deux séances, ces parents sont arrivés à un accord sur l’hébergement de l’enfant et les questions d’autorité parentale, mais aussi au sujet des contributions alimentaires et des frais extraordinaires. La médiatrice avait remarqué que les deux parents semblaient tout à fait neutres l’un par rapport à l’autre, leur seul point commun étant le bien de leur enfant. Ce n'est pas le cas de Jean-Marc et Lotta.
Une discussion entre deux conjoints en colère risque d’étouffer le petit espoir qui sous-tend la demande de médiation. En fait, quand on est en colère, on n’écoute plus vraiment. Là, le médiateur doit intervenir pour interrompre le jeu du blâme et arrêter l’escalade. Parfois, le médiateur attrape la balle destinée à l’autre et diffuse ainsi la tension. La médiatrice veut arrêter l’escalade du conflit entre Jean-Marc et Lotta aussi pour comprendre les besoins profonds de chaque époux. Elle pourrait aborder la désescalade de plusieurs façons.
Une première manière de faire serait de séparer Jean-Marc et Lotta en s’entretenant individuellement avec chacun d’eux. C’est le principe du caucus ou de l’aparté. Après ces discussions où chacun se sentirait entendu et compris, la réunion continuerait avec deux conjoints plus apaisés. Le prix de cet apaisement est la perte de l’occasion d’entendre ce que l’autre a à dire. La médiatrice pourrait aussi calmer le jeu en rappelant à Jean-Marc et à Lotta le respect des tours de parole et des règles de communication, comme, par exemple, parler en "je". Elle atteindra son but, mais il se peut aussi que les conjoints se croient devant un maître d’école.
Cette fois-ci, la médiatrice choisit une troisième possibilité, celle de reformuler en suivant de près les propos de chaque conjoint et en validant ses difficultés. A travers la reformulation continue, la médiatrice empêche Jean-Marc et Lotta de répéter la dynamique familière du conflit devant elle. Elle sait bien que la souffrance coupe l’empathie pour l’autre. En tant que tierce personne, elle pourra entendre et valider la souffrance de chacun. Tout en se sentant compris, Jean-Marc et Lotta libèreront de l’espace afin de s’entendre l’un l’autre. Ils peuvent décider ensuite d’explorer le futur de leur couple.
En écoutant et en suivant de près les propos des conjoints, la médiatrice donne de la cohérence à l’interaction des conjoints et les aide à comprendre leurs émotions. Elle pourra ainsi identifier les besoins non-satisfaits qui sont à l’origine de leurs émotions. Elle nomme ce qu’elle voit, car une personne existe si ses émotions sont reconnues. Nommer l’émotion la rend aussi gérable. Ici, la médiatrice a nommé la frustration de Jean-Marc générée par la solitude qu’il ressent dans le mariage. Cette solitude et manque de connexion avec son épouse le pousse à demander sa présence de manière autoritaire, ce qui éloigne Lotta. Nous sommes des êtres de relation, des êtres de vis-à-vis. La perte du vis-à-vis déstabilise et la colère est aussi une protestation contre cette perte.
Certes, si la séparation résout certains problèmes entre les époux, elle en crée de nouveaux. Pour certains couples, le conflit augmente après le divorce, tandis que l’ambivalence et le regret de ne pas avoir suffisamment travaillé la relation puissent surgir après le divorce. Les parents divorcés ou séparés devront se revoir lors des trajets des enfants entre leurs résidences, des compétitions sportives, des remises de diplômes, des anniversaires et même pour les mariages de ceux-ci. Pour toutes ces occasions, ainsi que pour le bien-être de tous, une relation de coparentalité viable reste essentielle.
La médiation autorise les couples qui envisagent une séparation d’explorer les modalités et les conséquences pratiques d'une séparation. En parallèle, la médiation facilite la reconnaissance mutuelle des besoins, des intérêts et des valeurs et les conjoints trouvent une place pour exprimer et déposer leur ressenti. Une étude sur trente-huit couples publiée en 2020 dans la revue Nature montre l'effet positif de la médiation sur la satisfaction par rapport au contenu et au déroulement de la discussion, ce qui n’est pas vrai pour la négociation directe. La médiation a aussi tendance d'augmenter les affects positifs et à diminuer les affects négatifs et en cela améliore la qualité de la discussion dans le couple.
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