Deux manières de voir le conflit, la première, linéaire, et la deuxième, non linéaire.
Dans les conflits, nous préférons rechercher des chaînes linéaires de cause à effet, une sorte de jeu « À qui la faute ? ». Nous nous perdons dans des débats sur ce que A a dit à B (et vice-versa) quoique nos interactions ne soient linéaires. Tout comme la boucle infinie du couple imaginée par le professeur Scott Woolley, les relations humaines se ressemblent à de grandes boucles de rétroaction, chaque personne façonnant continuellement la réponse de l'autre. La médiation en tient compte. Le médiateur ne force pas les participants à résoudre un conflit, mais il les aide dans l’ici et maintenant à s'engager les uns avec les autres et comprendre ce qui se passe entre eux. Une fois que chacun comprend les enjeux de la situation à travers les lunettes de l'autre, ils peuvent ralentir l’échange conflictuel et laisser toute sa place à la négociation. La résolution du conflit n'est qu'un moment dans le temps, la fin d'un processus. Lors de la Semaine de la Médiation 2022, j'ai partagé ces réflexions avec les participants au webinar que j’ai animé avec Me Ludmila Bulgar du Barreau de Bruxelles.
Parmi les dizaines d'ateliers pour les spécialistes, nous avons tenu à sensibiliser le grand public sur la manière de travailler du médiateur et du juriste, chacun de son côté, pour faciliter l'entente entre des parents en conflit. Car depuis 2018, les avocats ont l’obligation légale d'informer leurs clients sur les modes alternatifs de résolution des conflits, dont la médiation. « S'ils estiment qu'une résolution amiable du litige est envisageable, ils tentent dans la mesure du possible de la favoriser » (nouvel article 444 du Code Judiciaire).
Le Code civil belge s’abstient de donner une définition de l'autorité parentale, mais crée implicitement un lien légal jusqu'à la majorité de l'enfant entre les parents qui vivent ensemble ou qui se sont séparés. Car l'autorité parentale, en tant que pouvoir de prendre les décisions importantes, s'exerce conjointement par les deux parents même si ceux-ci ne vivent plus ensemble. Elle s'exerce conjointement quand les parents hébergent l'enfant de manière égalitaire, mais aussi quand l'hébergement principal est fixé chez l'un, et l'hébergement accessoire chez l'autre (par exemple, deux week-ends par mois et la moitié des vacances scolaires). En effet, le type d'hébergement choisi par les parents ou imposé par un juge n'agit pas sur l'exercice de l'autorité parentale.
Ces modalités d’hébergement choisies en médiation ou demandées au juge, que ce soit le 12/2 ou 12/2+ ou les 11/3, 5/9, 7/7, 3/2/2, 6/1/1/2/3/1, se répercutent aussi bien sur les actes de tous les jours que sur les décisions importantes. Quoiqu'une certaine cohérence soit nécessaire entre les parents, leurs habitudes et leurs valeurs, l’exercice conjoint de l’autorité parentale concerne surtout les grandes décisions sur la santé, l'éducation, la formation, les loisirs et l'orientation religieuse ou philosophique de l'enfant mineur (art. 374 § 1er du Code Civil).
Les séparations augmentent les frais de chacun des parents qui perdent les synergies de la vie commune et revoient leurs budgets respectifs à la baisse. Nous conseillons la médiation comme première approche au conflit car les procédures judiciaires comportent un degré élevé d'incertitude quant à leur durée et à leur montant. Les frais typiques associés aux procédures judiciaires comprennent les frais de dépôt initial, les frais de conseil juridique, les divers frais d'huissier et les frais d'experts. La TVA de 21% vient s'ajouter aux honoraires et frais facturés par les professionnels du droit. Par contre, en Belgique, la médiation familiale est exonérée de la TVA. En plus, le médiateur peut prendre le temps pour aller au-delà des positions de chacun vers les besoins de chacun en passant par l’écoute de leurs émotions. Assistés par le médiateur et soutenus par leurs conseils, les parents en conflit arrivent graduellement à refaire l’expérience de la collaboration et comprennent qu’ils ne sont pas des ennemis. Leurs accords concernant l’hébergement ont une meilleure chance d’être respectés dans le long terme ce qui est porteur d’espoir pour l’exercice conjoint de l’autorité parentale.
Un article très intéressant et profond sur les conflits familiaux et l’importance de la médiation pour les solutionner. Avec une approche très professionnelle! Félicitations, Lavinia Olimid!