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Seuls les liens biologiques perdurent ? Pas tout à fait ! Par son exercice conjoint, l'autorité parentale crée un lien légal entre les parents, lien qui subsistera, même en cas de rupture relationnelle, jusqu'à la majorité de l'enfant.
Sans la définir, le Code civil belge énumère des composantes de l'autorité parentale : la santé, l'éducation, la formation, les loisirs et l'orientation religieuse ou philosophique de l'enfant mineur (art. 374 § 1er). Il ne s'agit pas ici des actes de tous les jours, de quand et quoi l'enfant mange, de la discipline ou de l'heure d'aller au lit quoiqu'une certaine cohérence soit nécessaire entre les parents, leurs habitudes et leurs valeurs. Car l'autorité parentale, en tant que pouvoir de prendre les décisions importantes, s'exerce conjointement par les deux parents même si ceux-ci ne vivent plus ensemble. Elle s'exerce conjointement quand les parents hébergent l'enfant de manière égalitaire, mais aussi quand l'hébergement principal est fixé chez l'un, et l'hébergement accessoire chez l'autre (par exemple, deux week-ends par mois et la moitié des vacances scolaires). En effet, le type d'hébergement choisi par les parents ou imposé par un juge n'agit pas sur l'exercice de l'autorité parentale.
Le Code civil reconnaît les difficultés pratiques de prendre des décisions à deux en précisant qu'à « défaut d'accord, le père ou la mère peut saisir le tribunal de la jeunesse » (art. 373). Cette mention concerne les parents qui vivent ensemble, mariés ou pas, et suite à cette saisie, le « tribunal peut autoriser le père ou la mère à agir seul pour un ou plusieurs actes déterminés. » Cet article s'applique également aux parents séparés.
Si c'est difficile d'imaginer des parents qui vivent ensemble aller demander au juge de trancher l'inscription de leur enfant à l'école, l’autorisation pour commencer une thérapie, ou encore plus d'ordonner un baptême. La médiation de couple est une meilleure alternative ici, car la procédure judiciaire a l'effet d'une bombe sur les relations interpersonnelles, effets que j'ai décrits dans un autre post. Pour d'autres parents cohabitants, l'autorisation de partir avec l'enfant à l'étranger est l'enjeu de la médiation. Le choix d'école suscite aussi beaucoup de malentendus, surtout quand l'un des parents préfère l'éducation traditionnelle et l'autre les nouvelles pédagogies. Pendant une médiation, des parents séparés ont pu partager leurs peurs : l'échec scolaire, synonyme de l'échec dans la vie, ou la perte de la spontanéité et de la capacité d'agir seul de l'enfant. Ce partage les a convaincus que l'autre n'est pas l'ennemi et ils ont pu commencer à réfléchir ensemble pour trouver des solutions.
De loin, les décisions d'autorité parentale les plus courantes qui reviennent, médiation après médiation, sont les loisirs de l'enfant. Les séparations augmentent les frais de chacun des parents qui perdent les synergies de la vie commune et qui revoient leurs budgets respectifs à la baisse. Lors d'une médiation à distance, la mère explique qu'elle n'a pas les ressources pour payer ou conduire l'enfant aux entrainements de football pendant sa semaine d'hébergement, ce qui est difficile à comprendre pour le père. Elle exprime son impuissance devant cette tâche, son travail sollicitant et des horaires difficiles. Le père la comprend et les deux marquent leur accord sur une seule activité de loisirs par semaine.
Dans le cadre d'une séparation, Monsieur a insisté qu'on note dans l'accord de médiation que l'enfant recevra certains vaccins et que Madame assume seule les consultations de l'enfant chez le médecin homéopathe. Le père ne s'oppose pas que la mère continue de consulter ce médecin pour l'enfant. Pour ce père, le fait de ne pas assumer sa part dans les honoraires du médecin homéopathe exprime son désaccord quant aux choix de la mère concernant la santé de l'enfant.
L'intérêt de la médiation est particulièrement présent dans cette dispute sur la vaccination anti-Covid. La mère de deux jeunes adolescents âgés de 12 et 15 ans réside en France et le père en Belgique, le pays où les enfants ont leur résidence habituelle. Les règles Covid étant plus strictes en France qu'en Belgique, l'absence du Covid Safe Ticket, les tests PCR et tests antigéniques requis par les voyages entre les deux pays et les loisirs des enfants commencent à peser lourd.
Monsieur souhaite vacciner les enfants, tandis que Madame préfère postposer la vaccination citant des risques supérieurs aux bénéfices. Comme dans toute décision concernant l'enfant, le juge doit apprécier l’intérêt de celui-ci et sa capacité de discernement. La loi du 22 août 2002 relative aux droits des patients peut associer le patient mineur à l’exercice de ses droits en fonction de son âge et de sa maturité. A l'audition, les deux adolescents exposent leurs propres motivations à vouloir se faire vacciner et le juge du Tribunal de la Famille de Bruxelles autorise le père à les faire vacciner. La procédure judiciaire a duré 10 mois. Ici aussi, des discussions sincères, avec l'aide d'un médiateur formé au travail avec les émotions, auraient pu aboutir à un accord moins onéreux.
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